Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx&D)

Mémoire prébudgétaire présenté au

Comité permanent de la Chambre des communes sur les finances

Le 12 août 2011

Sommaire

Au nom des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx&D), nous avons le plaisir de participer aux consultations prébudgétaires et de contribuer aux efforts déployés par le Comité permanent des finances pour renforcer la concurrence et la prospérité du Canada.

Rx&D est une association nationale représentant plus de 15 000 hommes et femmes travaillant dans 50 entreprises de recherche pharmaceutique au Canada. Les entreprises de Rx&D se consacrent à leur pays et investissent dans la R-D en sciences de la santé et en technologie dans le secteur privé partout au Canada. En 2010, les membres de Rx&D ont investi 1,5 milliard de dollars au Canada, dont approximativement 1,3 milliard a été consacré à la recherche scientifique et au développement. De plus, on a offert 90 millions de dollars supplémentaires sous forme de dons offerts aux patients au moyen de soins prodigués avec compassion et de programmes spéciaux, et on a donné 120 millions de dollars pour contribuer aux programmes communautaires tels que les déjeuners pour apprendre dans les écoles, les sports et loisirs, la responsabilité environnementale et la préservation de la faune et la flore[1]. Notre réseau de partenariats et de collaborations représente des dizaines de milliers d’emplois et des investissements de plus de 20 milliards de dollars consentis au cours des 20 dernières années.

Toutefois, dans le contexte actuel, cette capacité à investir subit de plus en plus de pression. L'industrie canadienne évolue pour représenter les conditions du marché intérieur et notre compétitivité par rapport aux autres pays. Ces derniers ont aussi reconnu l'importance de la création de valeur économique et les avantages sur le plan de la santé qui découlent d'une solide industrie pharmaceutique axée sur la recherche et ont mis en œuvre des politiques visant à en tirer profit. Bien que nos réussites communes passées aient donné naissance à un milieu unique au Canada d'où pourra éclore le succès, nous devons réagir maintenant, ensemble, pour rendre au Canada sa position de chef de file dans le domaine des sciences de la vie et pour maintenir un climat attirant pour les investisseurs.

C'est pourquoi nous recommandons trois secteurs précis dans lesquels des mesures stratégiques pourraient être prises pour le budget 2012. Ces démarches amélioreront la durabilité des services de santé et la future croissance économique du Canada :

  1. Améliorer le régime de la propriété intellectuelle (PI) du Canada, en ajoutant au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) un droit d'appel auquel peuvent avoir recours les innovateurs, en vue de corriger le déséquilibre juridique actuel; améliorer la réglementation sur la protection des données afin qu'elle atteigne un niveau de concurrence à l’échelle internationale; mettre en œuvre un régime de prolongation de la durée des brevets semblable à celui de nos partenaires et concurrents;
  1. Assurer la place du Canada à la tête de la recherche clinique en élaborant une définition plus large du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et au développement expérimental (RS-DE), et une réallocation des budgets existants afin de financer en plus grande partie la recherche actuelle et les programmes d'infrastructure.
  1. Rendre plus efficaces les processus d'examen de la réglementation sur les médicaments et les médicaments biologiques, notamment en assurant l'intégrité financière des activités du ministère au moyen d'un processus de recouvrement des coûts équitable et efficace qui n'affecte pas les budgets des activités de base.

Il convient de noter dès le départ qu'un grand nombre de ces mesures peuvent être mises en place au gouvernement fédéral sans entraîner de coût, sinon un coût minimal, et apporter des avantages économiques considérables. Ces mesures doivent être prises pour protéger l'importante infrastructure de recherche pour la santé, les sciences de la vie et la technologie que le Canada a construite au fil de plusieurs décennies. Dans le but de faire face aux difficultés causées par une série d'options globales en constante expansion, le Canada doit agir rapidement et simplifier ses politiques en matière de sciences de la vie, ce qui lui permettra de garder le rythme.

1. Un régime de la propriété intellectuelle (PI) stable et concurrentiel

Un régime de la propriété intellectuelle concurrentiel est essentiel pour permettre à notre industrie de créer des partenariats avec le gouvernement dans le but de poursuivre des initiatives sur la santé publique et la prévention. Malheureusement, le régime de la PI du Canada n’est nullement concurrentiel par rapport à celui des pays semblables, et on doit l'élever au niveau des normes internationales si l'on veut que le Canada profite pleinement de nos investissements dans la capacité de recherche en santé[2]. Par exemple, dans plusieurs cas, les États-Unis, les pays européens et d’autres pays ont validé des brevets des innovateurs alors qu'au Canada, ils ont été invalidés en raison de décisions défavorables des tribunaux. De telles décisions judiciaires hors des normes ont terni la réputation du Canada et découragent malheureusement les investissements internationaux dans le secteur innovateur des sciences de la vie.

Afin d'équilibrer et d'améliorer le contexte relatif à la propriété intellectuelle, on recommande que le gouvernement du Canada intègre un mécanisme d'appel pour les innovateurs dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité); qu'il améliore la réglementation sur la protection des données pour qu'elle atteigne un niveau de concurrence à l’échelle internationale; qu'il mette en œuvre un régime de prolongation de la durée des brevets semblable à celui de nos partenaires et concurrents.

Puisque la portée et l'étendue de notre industrie sont de niveau mondial, nous espérons que les négociations pour l'Accord économique et commercial global (AECG) seront couronnées de succès, car cet accord représente une occasion importante de répondre aux problèmes concernant la PI présentés ci-dessous.

Un mécanisme d'appel efficace intégré au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) offre un système qui contribue à la résolution des problèmes de contrefaçon de brevet avant qu'un médicament générique fasse son apparition sur le marché. Pour bénéficier de ce système, l'innovateur doit inscrire son brevet sur un registre de brevets. Alors que les fabricants de médicaments génériques ont toujours un droit d'appel en vertu du Règlement, les innovateurs ne disposent souvent pas d'un droit d'appel puissant. Cette situation est donc inéquitable et a donné naissance à une jurisprudence à sens unique. Il convient de noter que les provinces et les intervenants appuient de plus en plus l'application d'un tel changement par le gouvernement fédéral. Il est urgent d'apporter des modifications au Règlement pour permettre la création d'un mécanisme d'appel d'une durée limitée, mais efficace, afin de rétablir l'équilibre dans l'application du Règlement sur les médicaments brevetés.

Améliorer la réglementation sur la protection des données

Pour faire approuver leurs médicaments et leurs vaccins, les innovateurs consacrent beaucoup de temps et d'énergie aux essais cliniques dans le but de démontrer que leur produit est sûr, pour ensuite envoyer les données récoltées à Santé Canada. La réglementation sur la protection des données protège ces données compilées lors d'essais cliniques et évite qu'elles soient utilisées par des concurrents pour une période déterminée. Cela empêche les fabricants de médicaments génériques d'utiliser injustement le travail des innovateurs afin de faire approuver leur copie générique du médicament novateur. La protection des données ne prolonge pas la protection assurée sur le brevet, mais plutôt les données des essais cliniques mis au point par les innovateurs afin d'assurer que les patients canadiens puissent consommer leur produit en toute sécurité.

Le régime de protection des données actuel du Canada est insuffisant comparativement à celui de ses principaux concurrents. Par exemple, l'Union européenne offre à ses innovateurs deux années de protection de plus que le Canada, et, contrairement à ce dernier, elle offre une année supplémentaire pour les nouvelles utilisations approuvées de médicaments existants. De plus, dans le cadre de la récente réforme de leur système de santé, les États-Unis offrent maintenant quatre ans de protection des données de plus que le Canada relativement aux médicaments biologiques novateurs, ce qui a une grande influence sur l’avenir de l'industrie de l'innovation, étant donné qu'on prévoit que les médicaments biologiques remplaceront les médicaments traditionnels à petites molécules dans un avenir prochain.

Nous recommandons que le Canada rehausse la durée de la protection des données offerte aux innovateurs afin qu'elles rejoignent celles de ses principaux partenaires commerciaux et qu'il prolonge la durée de la couverture de la protection des données pour qu'elle englobe les nouvelles utilisations des médicaments existants. Il est évident que le Canada est en désavantage en matière de concurrence lorsqu'on réalise que l'Union européenne offre deux années de plus pour la protection de n'importe quels produits et que les États-Unis en offrent quatre de plus pour la protection des médicaments biologiques.

Mettre en œuvre une prolongation de la durée des brevets

À l'instar des autres pays développés, le Canada offre à ses innovateurs une protection de 20 ans. Toutefois, on perd 8 à 10 ans de la durée du brevet en raison de la durée de développement des produits fondés sur les brevets. De plus, au Canada, la durée du brevet pour les nouveaux médicaments et les vaccins est écourtée en raison de la durée des essais cliniques, des examens et des approbations des médicaments (notamment les processus obligatoires de Santé Canada, des gouvernements fédéral et provinciaux et du Programme commun d'évaluation des médicaments). La durée effective actuelle d'un brevet sur un produit pharmaceutique au Canada est donc réduite de deux ans et demi à

Plus de 30 pays ont adopté un mécanisme appelé « prolongation de la durée des brevets » lorsqu'ils ont réalisé l'importance des retards découlant des processus d'approbation imposés par le gouvernement. La prolongation de la durée des brevets aide les innovateurs à recouvrir une plus grande partie de leurs coûts d'investissement en restaurant une partie de la protection ayant été touchée par les retards attribuables au processus d’approbation réglementaire. Contrairement aux États-Unis, au Japon, à l'Australie, à la Corée du Sud et aux 27 pays membres de l'Union européenne, le Canada ne dispose d'aucune forme de prolongation de la durée des brevets, ce qui le désavantage manifestement de ses concurrents sur les plans de l'emploi et des investissements.

2. La RS-DE et la position de chef de file en recherche clinique

La recherche clinique fait croître les connaissances des Canadiens, améliore leur santé, renforce la capacité de recherche ainsi que les liens qui s'établissent entre les chercheurs du Canada à l'échelle internationale en plus d'être un pont important vers la commercialisation de la recherche. Prendre des mesures pour améliorer la recherche clinique effectuée au Canada est un moyen d'améliorer la santé des Canadiens et celle du secteur des sciences de la vie. Il est dommage de réaliser que la part mondiale du Canada dans la conduite de recherches cliniques, auparavant une des plus actives par habitant au monde, est balayée par d'autres domaines de recherche de qualité égale, mais dont les coûts sont moindres.

Les investissements dans la recherche clinique et les essais cliniques représentent près de 80 p. 100 du financement de nos membres dans la recherche au Canada. Et le principal moyen d’intervention disponible visant à inciter la R-D du secteur privé est le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS-DE) du Canada. La capacité à attirer des investissements dans la recherche pour les essais cliniques et dans les autres domaines clés repose sur un système de RS-DE amélioré.

Comme nous l'avons recommandé dans notre présentation au groupe d'experts sur la R-D plus tôt cette année, les améliorations qui devraient être apportées à la RS-DE comprennent l'élargissement de la définition de la recherche admissible afin de mieux englober tous les aspects de la recherche clinique, y compris tous les investissements directs dans les essais cliniques, de même que les investissements complémentaires sous d'autres formes de partenariats de recherche qui ne sont actuellement pas admissibles aux crédits pour la RS-DE.

Par ailleurs, Rx&D estime qu'approximativement 20 p. 100 du financement actuel consacré à la recherche clinique, ce qui représente 10 millions de dollars, reste inexploité. Ce fait est en grande partie causé par un manque de sensibilisation aux occasions représentées par les essais cliniques, un ensemble de mesures disparates quant à l'infrastructure relative aux essais cliniques, et une incapacité générale à mettre en œuvre des essais cliniques. Récemment, des pays comme le Royaume-Uni et l'Espagne ont mis en place un cadre stratégique amélioré qui comprend la création d'un réseau de soutien pour des domaines thérapeutiques donnés, un remboursement des nouveaux médicaments pris par les patients une fois l’essai clinique terminé, des systèmes de suivi et d'appui servant à établir un point de référence pour l'efficacité lors de la mise en œuvre de l'essai clinique.

Étant donné la situation, il est primordial de rapidement apporter des ajustements à la capacité actuelle du Canada d'effectuer des recherches cliniques si l'on désire tirer profit des niveaux actuels de financement provenant du secteur privé, sans parler d'attirer des investissements futurs. Il faut particulièrement demander aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et à la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI) d'évaluer de façon holistique les programmes et le financement dans le cadre d'une approche visant à mieux faciliter les essais cliniques effectués au Canada.

Pour que le Canada conserve et renforce sa capacité de recherche, on recommande que le gouvernement fédéral commence par élargir la définition de la recherche admissible au crédit d'impôt pour la RS-DE dans le but de s'assurer que tous les aspects de la recherche clinique et des essais cliniques sont pris en compte; qu'il réaffecte les fonds offerts par les IRSC afin de combler les lacunes présentes dans la recherche clinique; qu'il réaffecte les fonds offerts à la FCI afin d'offrir l'appui nécessaire à l'infrastructure.

3. Des processus d'examen de la réglementation sur les médicaments et les médicaments biologiques plus efficaces

Les patients canadiens attendent pour des médicaments novateurs plus longtemps que nécessaire en raison des retards persistants attribuables au processus d’approbation réglementaire. Si l'on compare les médianes moyennes des délais, on observe qu'une demande d’homologation auprès de Santé Canada nécessite 390 jours, soit davantage que les 350 jours requis aux États-Unis et près de 100 jours de plus que les 275 jours nécessaires en Europe[3]. Ces retards sont généralement occasionnés par le fait que les demandes sont supérieures aux ressources disponibles, de même qu'à d'autres aspects relatifs au processus d'examen utilisé, malgré les précédentes tentatives du gouvernement pour tenter d'améliorer le rendement, principalement au moyen d'un recouvrement des coûts tel qu'intégré dans la Loi sur les frais d'utilisation.

Comme nous l'avons mentionné ce printemps dans notre présentation à la Commission sur la réduction de la paperasse, nous recommandons que le gouvernement fédéral s'assure que les Canadiens ont accès rapidement à des médicaments sûrs et efficaces en structurant le financement de base de Santé Canada dans le but d'appuyer une capacité d'examen plus large, plus efficace et plus équitable, comprenant, entre autres l'étude des examens et des pratiques exemplaires à l'échelle internationale. De plus, toutes les dépenses récupérées grâce au recouvrement des coûts doivent être explicitement liées à des objectifs de rendement et ne doivent pas être compensées par une réduction du financement de base du Ministère.

Les membres de Rx&D participent activement aux changements réglementaires en collaboration avec les autorités responsables dans le but de moderniser le régime d'approbation des médicaments au Canada. Que l'on continue d'appuyer cet exercice de modernisation est essentiel à notre industrie.

Conclusion

Notre pays possède une solide infrastructure de recherche et bon nombre des éléments nécessaires pour réussir dans un milieu international de recherche de plus en plus concurrentiel. Cette infrastructure comprend les investissements pluriannuels des gouvernements dans des entreprises de recherche publiques, les investissements privés consentis par nos membres qui se sont élevés à 1,5 milliard de dollars l'an passé en recherche et développement ainsi qu’une capacité de recherche clinique reconnue à l’échelle mondiale.

Nous devons nous efforcer, de façon continue, de maintenir notre avantage concurrentiel si nous voulons tirer profit du potentiel d'innovation au sein même de nos industries innovatrices, axées sur le savoir. Rx&D est prêt à faire sa part. De là, notre défi est de travailler ensemble à l'amélioration des politiques en :

  1. mettant en œuvre un régime de la propriété intellectuelle, particulièrement en mettant en place un mécanisme d’appel efficace aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pour les innovateurs; en améliorant notre régime de protection des données actuel et en mettant en œuvre un régime de prolongation de la durée des brevets semblable à celui de nos principaux partenaires commerciaux et concurrents.
  1. assurant la position de chef de file du Canada dans le domaine de la recherche clinique, particulièrement en augmentant le crédit d'impôt pour la RS-DE.
  1. améliorant les processus d'examen de la réglementation de Santé Canada.

Nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de mettre de l'avant ces importantes propositions concernant les politiques auprès du Comité permanent des finances et nous espérons avoir la chance d'élaborer notre mémoire devant le Comité cet automne.



[1] KPMG, Résumé des conclusions du sondage du secteur pharmaceutique sur les dépenses en R&D et autres investissements de la part des membres de Rx&D en 2010.

[2] Chambre de commerce du Canada , L'innovation engendre un avenir plus prospère - Combler les lacunes de la propriété intellectuelle au Canada dans le secteur pharmaceutique (2011).  

[3] Source : Health Canada Regulatory Approvals Performance Summary (2010)